Fren 270: Introduction à la linguistique: la sémiologie

Plan des notions présentées en sémiologie:


2.0 Définition de la sémiologie

La discipline scientifique qui étudie les systèmes de communication se nomme la sémiologie (du grec "semeion", qui signifie "signe"). Comme la définition provenant de la racine hellénique le suggère, ces systèmes de signification sont développés autours de la notion de signe, dont nous parlerons plus bas.

C’est Ferdinand de Saussure, linguiste genevois, qui a été le fondateur européen de la sémiologie. Selon lui, la meilleure façon d'étudier la nature de la langue est d'étudier ses caractéristiques communes avec les autres systèmes de signe. De plus, considérant que la langue sert d’abord et avant tout à communiquer avec ses pairs, il est donc logique, que, dans le but de décrire son fonctionnement, nous fassions des rapprochements plus ou moins nombreux avec les autres systèmes de communication développés par l’homme. Saussure prétend également que la sémiologie devrait avoir pour objet d'étude "la vie des signes au sein de la vie sociale". Les langues naturelles seront donc étudiées en tant que système de communication au même titre que les systèmes de communication des sourds-muets, les rites symboliques, les formes de politesses, la pantomime, la mode, les signaux visuels maritimes, les coutumes, etc.

Les études sémiologiques sont divisées entre deux branches distinctes de la sémiologie: l'une, la sémiologie de la signification (Rolad Barthes et ses disciples), et l'autre la sémiologie de la communication (Luis J. Prieto, Georges Mounin, Jeanne Martinet).

Avant de continuer, une précision terminologique s’impose. Le terme "sémiotique" a été proposé par Charles S. Peirce qui, à la même époque où Saussure tentait de fonder la sémiologie, a tenté aux États-Unis de proposer une théorie générale des signes. Son disciple, Charles Morris, a adopté le même projet qu'il a nommé Sémiotics (publié dans Signs, Langage and Behavior 1946). Ce terme est ensuite pénétré en France pour en venir à désigner un ensemble du domaine sémiologique (la sémiotique du code de la route par exemple). Finalement, en 1969, un comité international qui a donné naissance à l'Association internationale de sémiotique a proposé d'adopter les deux appellations recouvrant toutes les acceptions des deux termes.

Les deux types de sémiologie se distinguent par leur objectif général: dans la sémiologie de la communication, la communication doit être au centre de la sémiologie (la langue est fondamentalement un instrument de communication). En comparaison, dans la sémiologie de la signification, la sémiologie devient une partie de la linguistique à cause du fait que les objets, les images ou les comportements ne peuvent jamais signifier de façon autonome, sans l'utilisation de langage.

Nous reviendrons sur les propositions de Saussure lorsque nous aborderons l'étude du signe linguistique.

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2.1 La boucle de la communication
Les linguistes se sont évidemment intéressés à la transmission de sens entre deux individus. Cette étude a d'abord été schématisée à l'aide de la "boucle de la communication", qui présente les principaux éléments impliqués dans une interaction:

a) production d'un message (encodage)
b) la transmission d'un message
c) la réception d'un message (décodage)

Si les étapes ci-dessus sont respectées non seulement par l'émetteur mais également par le récepteur, on obtient ainsi la boucle de la communication, qui inclut une communication bidirectionnelle:

Les linguistes ont ensuite essayé d'élargir ce schéma en éclaircissant certaines de ses fonctions et en essayant d'incorporer le rôle de certains autres facteurs.

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2.2 Le schéma de la communication de Jakobson
Ce schéma permet d'identifier tous les intervenants et tous les facteurs intervenant dans une communication entre personnes. Tous les facteurs identifiés dans ce schéma ont un rôle à jouer dans le cas d'un interaction et ils influencent tous le message qui est transmis d'une certaine façon.

• DESTINATEUR ~ DESTINATAIRE: correspondent respectivement à l'émetteur et au récepteur. Dans le cas d'une interaction normale, la communication est bidirectionnelle alors que deux personnes interagissent de façon courante. Dans les cas où la communication est institutionnalisée (implique une institution comme une administration publique, une télévision, une université, etc.), la communication est unidirectionnelle alors que l'interaction implique l'intervention verbale d'une seule personne alors que l'autre écoute. Une hiérarchie plus ou moins rigide s'impose lors de ces interactions, comme c'est le cas dans la salle de classe, où le professeur enseigne et où vous écoutez.

• MESSAGE: le matériel transmis par l'interlocuteur, l'information transmise. Ce message varie énormément dans sa durée, sa forme et son contenu. Dans les interactions individualisées, le message est généralement adapté à l'interlocuteur. Dans des communication institutionnalisées, le message est plutôt rigide et standard.

• le CONTACT (canal): canal physique et psychologique qui relie le destinateur et le destinataire. La nature du canal conditionne aussi le message. Un canal direct (locuteurs en face à face) implique une réponse directe dans le même médium, qui est l'air ambiant dans ce cas.
Le canal peut être modifié pour vaincre en particulier l'effet du temps: l'écriture sur du papier (livres, journaux, magazines, etc.), bandes magnétiques, disques, support magnétique utilisant même le courrier électronique, etc.

• CONTEXTE: la situation à laquelle renvoie le message, ce dont il est question. Le contexte de situation, lui, réfère aux informations communes aux deux locuteurs sur la situation au moment de la communication. Ces informations sont sous-entendues et elles n'ont pas besoin d'être répétées à chaque fois que l'on débute une interaction.

• le CODE: "un code est un ensemble conventionnel de signes, soit sonores ou écrits, soit linguistiques ou non linguistiques (visuels ou autre), communs en totalité ou en partie au destinateur et au destinataire." (Leclerc 1989:24) Code doit être compris par les deux locuteurs pour permettre la transmission du message. Dans certains cas, le message peut mettre en oeuvre plusieurs codes en même temps. Dans ces cas, redondance, complémentarité ou contraste peuvent être mis en jeu.

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2.3 Les fonctions du langage

À ces facteurs de la communication correspond une fonction linguistique bien précise (en caractères gras dans le tableau ci-dessous):

 

• fonction RÉFÉRENTIELLE: l'une des trois fonctions de base (avec expressive et incitative). Correspond à la fonction première du langage qui est d'informer, d'expliquer, de renseigner. Elle renvoie au référent, à la personne dont on parle (utilisation de la 3e personne très souvent). Intimement relié à la véracité du message en question.

• fonction EXPRESSIVE: centrée sur le destinateur qui manifeste ses émotions, son affectivité. Elle suppose l'acquisition d'un style, d'une façon bien personnelle de s'exprimer. Les onomatopées, les jurons, les formes exclamatives en général, les adjectifs à valeur expressive, etc. Les traits non linguistiques du genre mimique, intonation (?), les gestes, le débit, les silences, ont aussi une fonction expressive.

• fonction INCITATIVE: axée sur le destinataire, donc sur le tu. On vise ici à modifier le comportement du destinataire, pour ordonner, pour interdire, pour inciter. Pensons seulement à la publicité qui incite à acheter, aux politiciens qui incitent à voter, etc.

• fonction POÉTIQUE (ou esthétique): fonction où l'accent est mis sur le message dont la forme importe autant que le fond. La rime, la métaphore, l'antithèse, l'ironie, les jeux de mots font partie des procédés qui ont une fonction esthétique et qui font que le message comporte plus d'information que le message lui-même.
ex.: "Tu as les yeux bleus comme un ciel d'azur!" dit par un amoureux à son amoureuse, contient bien plus d'information que le seul fait de comparer ses yeux au ciel.

• fonction RELATIONNELLE (phatique): permet de maintenir et de développer des contacts entre individus.
ex.: on parle à quelqu'un au téléphone pendant 30 minutes à tous les soirs sans vraiment rien se dire, juste pour garder le contact, juste pour être sûr que nous sommes toujours en phase. C'est le cas de toute communication vide de son contenu, comme dans certaines réunions mondaines.

• fonction MÉTALINGUISTIQUE: explication du code utilisé, des conventions que l'on utilise pour communiquer. Tous les ouvrages traitant du code, comme les grammaires ou les dictionnaires constituent d'excellents exemples de message à visée métalinguistique.
ex.: "Moi, par gauchiste, je veux dire tous ceux qui veulent changer quelque chose dans notre société, que ce soit par la violence ou par la persuasion..."
"Entendons-nous, par cinglé, je veux dire ..."

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2.4 Critique du schéma

Comme tout modèle théorique, il se prête à la critique. La principale faiblesse de ce schéma est que les fonctions proposées existent rarement à l'état pur. Les messages font souvent appel à plusieurs fonctions de façon simultanée. La fonction d'un message serait donc celle qui domine et non seulement celle qui est ou celles qui sont présentes.

Deuxièmement, les fonctions du langage sont totalement laissées de côté, comme celles référant aux rapports sociaux établis à l'aide du langage. Les choix sociaux et même politiques effectués à la fois de façon consciente et même inconsciente par les individus ne sont pas analysés par le fameux schéma de Jakobson.

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2.5 Signe linguistique

La sémiologie a beaucoup apporté à la linguistique par son étude des systèmes de communication. Un des premiers sujets d’étude qui a retenu l'attention des chercheurs est la constitution du CODE servant à communiquer oralement. La définition de ce code et de son usage par les communautés linguistiques constitue la préoccupation première de la linguistique.

La transmission de sens d'un individu à un autre repose dur l'existence du signe linguistique. Ferdinand de Saussure a été le premier à définir de façon précise cette notion importante, à l'aide des notions suivantes:

Le signe est formé de deux parties:

a) une partie matérielle: le SIGNIFIANT (image acoustique, image mentale du signe, la représentation mentale sonore)

b) une partie immatérielle: le SIGNIFIÉ (partie conceptuelle du signe --notion).

Prenons un exemple, le mot "oiseau":


Le signe linguistique est donc le résultat de l'association d'un signifiant (groupe de sens) et d'un signifié (le sens). Il est difficile de concevoir l'un sans l'autre.

Le signifié est en réalité différent de la définition mais on l'utilise ici comme remplacement par souci de simplicité. Le signifié est constitué d'éléments de sens qu'on appelle les "attributs sémantiques" (concept tiré de la sémantique). Les attributs sémantiques d'un signifié se combinent pour créer le sens du signe. Les attributs sémantiques sont habituellement représentés par les linguistes sous forme de caractéristiques binaires (qui sont actives ou inactives, notées par "+" ou "-"). Le signifié de "table" pourrait ainsi comporter les attributs sémantiques qui suivent: [+meuble][+une surface plane horizontale]. En précisant que la table comporte une seule surface plane, on l'oppose à la bibliothèque qui en possède plusieurs. En précisant que c'est un meuble, on l'oppose au plancher, à la patinoire ou au plafond. (Beaudoin 2002)

À ces deux distinctions signifiant-signifié, il faut en ajouter une troisième. D'un côté, nous avons la réalité sonore (ou écrite mais qui ne fait que traduire la réalité sonore) dont nous parlons ([wazo]), d'un autre côté nous avons la NOTION de l'objet auquel on réfère. Cette notion existe dans l'esprit des locuteurs, et c'est ce qui leur permet de se comprendre. Cependant, nous n'avons pas parlé de l'objet lui-même, celui dont on parle. Il s’agit du référent (l'objet physique, matériel dont les locuteurs parlent).

Le rapport entre le signifié et le signifiant est non arbitraire mais nécessaire car il fonde le signe lui-même. Par contre, le rapport entre une réalité elle-même et un signe (la signification) est, elle, arbitraire et elle est le résultat d'une convention entre les individus d'une communauté linguistique particulière. Ce rapport constitue la base de toute communication linguistique, alors que les mots, ou comme nous pouvons les appeler maintenant les signes, prennent vie lorsque le lien entre signifiant et signifié est effectué, ce qui nous donne une signification entre une image acoustique et une notion, une réalité mentale (signifié).

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2.6 Caractéristiques du signe linguistique

À partir des observations précédentes, nous pouvons affirmer que le signe linguistique se définit par son caractère:

a. arbitraire:
Comme nous l'avons mentionné auparavant, il n'y a pas de relation "naturelle" entre le mot (ou le signifiant) et la réalité physique qui lui est associée (le signifié).

Par exemple, le choix du mot "bureau" ne repose sur aucun critère qui aurait pu favoriser le choix d'un tel mot plutôt qu'un autre.

Une exception cependant: les onomatopées. Dans ce cas, les mots utilisés sont relativement proches du son que l'on veut décrire, et ce, dans toutes les langues. ex.: le chant du coq, le bruit de la vache, le jappement du chien.

le bruit d'un canard:
-français: couin-couin
-anglais: quack-quack
-allemand: pack-pack
-danois: rap-rap
-hongrois: hap-hap

Si ce lien obligé entre la réalité et le signe linguistique existait, tous les humains parleraient probablement la même langue. Ce caractère arbitraire du signe fait que l'on doive apprendre un large vocabulaire lorsqu'on apprend une langue, quelle soit maternelle ou seconde.

Évidemment, ce caractère arbitraire du signe linguistique ne s'applique pas aux autres sortes de signes. Par exemple, les signaux routiers doivent se ressembler à cause du fait que l'action est la même dans toutes les langues. Par exemple, un panneau comportant un pain indiquera aux locuteurs de toutes les langues et cultures (ou presque) qu'il y a une boulangerie à proximité.

b. conventionnel:

Pour que les membres d'une communauté se comprennent, il faut qu'ils s'entendent sur les mêmes conventions ou sur les mêmes signes. En conséquence, les signes sont considérés, comme nous avons dit précédemment, comme étant conventionnels, en cela qu'ils résultent d'une convention entre les membres d'une communauté. En fait, partager la même langue, c'est également partager un certain nombre de conventions.

c. linéaire:

Le signifiant se présente de façon linaire dans l'axe du temps. il nous faut du temps pour prononcer un mot, pour le réaliser de façon physique. De même, il y a un ordre qui est suivi lors de sa prononciation. Dans la réalisation du signifiant [wazo], il ne m'est pas permis de prononcer les sons dans un ordre différent de celui que nous avons ci-haut si je veux que les autres locuteurs me comprennent. Les signes forment donc une successivité et non une simultanéité. Par opposition, les signes routiers peuvent se substituer: "obligation de tourner" et "tourner à gauche".

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2.7 Distinction signe ~ indice
Il est nécessaire de distinguer un signe d'un indice (signes non intentionnels): selon Prieto, il s'agit d'un fait immédiatement perceptible qui nous fait connaître quelque chose à propos d'un autre fait qui, lui, n'est pas immédiatement perceptible. Un indice est un phénomène naturel ou culturel, perceptible, involontaire ou non intentionnel et qui nous fait connaître quelque chose à propos d'un autre fait qui, lui, n'est pas immédiatement perceptible.
ex.: symptômes d'une maladie, traces dans la neige, nuages noirs à l'horizon, etc.

Cependant, si je m'entendais avec quelqu'un pour lui dire que s'il voit des traces de pas dans le sable, en route pour mon chalet, il comprendra que je suis arrivé. L'intention de signification est essentielle dans l'identification d'un signal. Il en va de même de la présence d'une canne blanche pour indiquer un aveugle, trois coups cognés à la porte, les numéros de salle dans un édifice public, etc.

L'indice se différencie donc du signe par le fait que sa première fonction n'est pas celle de signifier quelque chose. Il peut très bien avoir une signification, mais ce n'est pas sa fonction première. Les signaux de fumée, s'ils ne sont pas effectués en vue de communiquer avec quelqu'un d'autre, ne constituent pas un signe mais bien un simple indice qui nous indique qu'il y a un feu à quelque part.

Aussi, nous pouvons effectuer une autre distinction entre un signe et un signal: un indice produit spécifiquement en vue de transmettre un message (contient les signes linguistiques, les symboles, et les signes non linguistiques)

Si j'élève la voix, si je me mets à crier, vous pourrez bien relier cet indice à ma condition psychologique et prendre cet indice comme indication que je suis un peu fâché, que je ne suis pas de bonne humeur.

L'indice est donc non conventionnel, involontaire, diversement interprétable mais signifiant (revenir là-dessus plus tard, après l'explication du signe linguistique).

Autre exemple: le voisin qui s'achète une Rolls Royce. Au départ, le fait de posséder cette voiture est un indice de sa richesse. Par contre, si le voisin en question a l'intention de lancer un message bien précis à ses propres voisins, celui qu'il est vraiment riche, qu'il a réussit, qu'il est dans une classe à part, alors cette même voiture deviendra un signe. Nous sommes en présence d'un message qui a été transmis avec une intention bien claire de le communiquer.

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2.8 Distinction signe ~ symbole ~ icone

Comme nous l'explique Charles Peirce, lorsque deux signes sont liés par leur signifiés, on parle alors de symbolisation (ou connotation), et donc de la construction d'un symbole. Le symbole résulte d'une relation conventionelle et arbitraire commune à une ou à plusieurs cultures. Le signe linguistique est, en fait, un type particulier de symbole.

Ex. de symboles:

Il est également possible de transmettre du sens en utilisant un icone qui est créé par un lien analogique avec la réalité. Il y a une grande quantité d'icones largement utilisés par nos sociétés modernes et qui sont reconnaissables par l'ensemble des êtres humains, sans égards à leur culture. Considérez, par exemple, les images suivantes:

Il est relativement facile d'identifier, d'après les icones présentés ci-dessus, les significations de clavier, de pub ou bar, de souris, d'imprimante, de restaurant et de loupe pour modifier la taille d'un objet. Ces significations sont évidentes à cause du lien analogique direct entre l'élément utilisé pour représenter la réalité et son rapport extrêmement étroit avec l'objet qu'il représente.

En résumé, nous faisons les distinctions entre les notions suivantes:

Les langues naturelles comme le français et l'anglais par exemple sont des systèmes de communication basés sur l'utilisation de signes plutôt que de symboles et d'indices.

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2.9 Double articulation du langage

Cette relation entre le signifié et le signifiant nous amène à faire une autre distinction qui nous paraît importante du point de vue linguistique. Il s'agit de la double articulation du langage (deux types d'unités découpées sur deux niveaux distincts). Selon André MARTINET, la langue s'organise sur deux niveaux qui opèrent de façon différente. Pour lui, les unités qui s'enchaînent dans le discours ne s'enchaînent pas de la même façon et au même niveau.

André Martinet propose donc que la langue contient :
a) des unités de première articulation: les morphèmes (unités minimales de signification). Ce sont des noms (arbre, crayon, maison, etc.), verbes (manger, écrire, rêver, etc.), adjectifs (bleu, grand, rapide, etc.), etc. On note aussi que les "parties de mots" (comme le "-ons" dans le verbe "mangerons", ou le "eur" dans "réparateur") qui ont une valeur grammaticale sont aussi appelées des morphèmes et qu'elles sont aussi porteuses de sens. En effet, à chaque fois qu'un verbe se termine par un "-ons", les locuteurs du français reconnaissent que le sujet est une première personne du pluriel ("nous"), peu importe le verbe.

Ex. 1:

a. "Je viens." (2 morphèmes)
b. "Je viendrai." (3 morphèmes)

1-je: pron. pers.
2-vien: verbe venir
3-drai: futur, 1ere personne du sing.

Ex. 2 (utilisation du morphème "-ons"):

a. Nous viendrons.

b. Isabelle et moi voterons pour Steven Harper.

Ce qu’il faut comprendre à ce moment et ce en quoi cette notion se rattache avec la sémiologie est que ces morphèmes sont constitués d'un signifiant ET d'un signifié.

L'analyse de la langue en morphèmes, champ d'étude fascinant, sera abordée de façon plus détaillée lorsque vous ferez de la morphologie dans le deuxième cours d'introduction offert au département (Fren 370).

b) des unités de seconde articulation: les phonèmes (unités minimales distinctives). Ce sont des sons distinctifs (ils changent le sens d'un mot (pont-bon, quand-banc) sans qu'ils n'aient de sens inhérent) propres à une langue.

Ces phonèmes ne sont constitués que d'un signifiant, sans signifié.

Autre illustration de la double articulation du langage: Combien de mots d’une seule syllabe pouvez-vous former qui se terminent par le son « -on »? Un étudiant bien inspiré pourrait arriver à cette simple liste qui contient un bon nombre de mots différent seulement par leur première consonne et qui se terminent tous par le son "-on":

pont
bon
ton / taon
don / dont
con / qu’on
gong
font / fond
vont
son / sont
jonc
mon
non
long
rond

La langue peut donc "optimiser" son système en formant un grand nombre de mots différents avec une seule modification (remplacer un seul son) plutôt que de créer un nouveau mot complètement différent à chaque fois. Ceci est possible seulement par l’existence d’unités sans sens (les sons, ou phonèmes) que l’on peut substituer les unes aux autres pour changer le sens d’un mot. Cette particularité de créer un système productif contenant deux niveaux d'organisation pour communiquer constitue une différence majeure entre les systèmes de communication utilisés entre animaux et ceux utilisés par les humains.

En résumé, lorsque nous parlons de double articulation du langage, nous parlons de deux niveaux d'organisation du langage:

a) première articulation, les morphèmes (qui ont un signifié et un signifiant)

b) deuxième niveau d'organisation: les phonèmes (signifié)

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2.10 Commentaire supplémentaire sur la sémiologie

Nous pouvons appliquer les notions de sémiologie précédentes de façon à définir les relations entre mots entre autres choses.

Synonymes : mots (approximativement) de même sens et de forme différente
Même signifié, signifiant différent. (ennuyer / embêter; voiture / bagnole; manger / bouffer; etc.)

Antonymes : mots dont les sens sont contraires
Signifiés opposés, signifiants différents (grand /petit; vendre / acheter; blanc / noir; etc.)

Homophones : Signifiés différents, signifiants semblables. (vert / verre / vers / vers / verre / etc.)


Définitions

Indice : « Fait immédiatement perceptible qui nous fait connaître quelque chose à propos d’un autre fait qui ne l’est pas. » (Prieto, Sémiologie)

Signal : « Fait qui a été produit artificiellement pour servir d’indice. » (Prieto, Sémiologie)

Symbole : « Un symbole est la notation d'un rapport --constant dans une culture donnée-- entre deux éléments. » (Dict. de linguistique Larousse) Comme le signe linguistique, le symbole résulte d'une convention arbitraire.

Icone: « Signe dont le signifiant et le signifié sont dans une relation « naturelle » (ressemblance, évocation). » (PRobert)

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2.11 Spécificité de la communication humaine

Les langues naturelles comme le français, l'espagnol, l'allemand, le mandarin et l'anglais, sont des systèmes de communication un peu au même titre que les systèmes comme le code de la route par exemple. Cependant, ils se différencient de ces autres systèmes par une caractéristique principale. Examinez le tableau ci-dessous qui résume les similarités et différences entre les deux systèmes:

Spécificités
Systèmes de communication
Langues naturelles
a. La transmission du sens -nombreux systèmes de communication transmettent le sens voulu (ex.: code de la route, langue des sourds-muets, numéros de salle, etc.)

-la langue sert à transmettre du sens

-tout sens transmis n'est pas voulu: les accents nous trahissent

b. L'arbitraire -de nombreux systèmes utilisent des signes arbitraires (code de la route, numéros de salle, code morse)

-la langue utilise aussi des signes arbitraires ("chat", "crayon", etc.)

-la langue utilise aussi des signes moins arbitraires mais interprétables: par exemple: "Je suis intelligent."

c. Linéarité du message -simultanéité permise (linéarité utilisée mais non requise): les codes visuels spécialement permettent de superposer des images -linéarité obligée: il faut absolument mettre les sons les uns à la suite des autres, sinon le message sera incompréhensible
d. Le caractère discret du signe -les systèmes utilisent habituellement des unités discrètes, en nombre fini

-la langue utilise des unités discrètes: les sons d'une langue sont en nombre limité

-la langue utilise également des unités qui présentent un nombre théoriquement infini de variations

e. L'organisation interne du système -les systèmes ne sont encodés qu'à un seul niveau (simple articulation)

-les langues sont encodées à deux niveaux (double articulation): les unités significatives et les unités distinctives

a) sons: [p] + [a] + [R] + [l] = "parl"

b) monèmes: "parl + ez" = "parlez"

 

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2.12 Principales différences entre la communication animale et la communication humaine

Cette section est directement tirée du site de Dr. Martin Beaudoin (Université d'Alberta: http://www.fsj.ualberta.ca/LINGQ200.htm)

Différences
Communication humaine
Communication animale
1. Déplacement peut évoquer le passé, le futur, l'absent, l'hypothétique et l'impossible énonce ce qui est lié au présent temporel et spatial (sauf abeilles)
2. Apprentissage nécessaire non nécessaire
3. Base unités arbitraires (sans lien entre le mot et l'objet à décrire) unités iconiques (avec lien entre le signifié et le signifiant)
4. Unités discrètes (divisibles et combinables) graduées (messages indivisibles et non combinables)
5. Mutualité fréquente (les gens se répondent) relativement rare
6. Mensonges, divagations fréquents cas sporadiques de mensonges et pas de divagation
7.Métacommunication métacommunication (les gens expliquent ce qu'ils veulent dire ou corrigent les autres) pas de métacommunication
8. Polysémie prévalente (les mots peuvent avoir plusieurs sens) monosémie

Parmi les caractéristiques présentées dans le tableau ci-dessus, il importe de porter une attention particulière au déplacement qui permet aux humains de parler du passé, du futur, d'imaginer, de supposer, etc. Cette caractéristique des langues naturelles, sur laquelle repose la littérature en général, est extrêmement importante car elle constitue l'une des manifestations les plus intéressantes de la langue.

La nature des unités utilisées se démarquent de celles utilisées par les animaux pour communiquer en ce sens qu'elles sont combinables et servent à former des messages qui peuvent être soit très simples soit très complexes (très longues phrases). Cette caractéristique nommée la double articulation est certainement la plus remarquable des systèmes de communication oraux propres aux humains.

Il est important d'ajouter que la plupart des signes linguistiques sont polysémiques. Prenons par exemple le mot « siège ». Le Petit Robert indique que le mot a trois sens principaux: a) « lieu où se trouve la résidence principale « d’une société, d’une organisation). », b) « lieu où s’établit une armée, pour investir une place forte », et c) « objet fabriqué, meuble disposé pour qu’on puisse s’y asseoir ». Il est donc très fréquent pour un mot d'avoir plus d'un sens (caractère polysémique).

Finalement, les langues naturelles sont les seuls systèmes permettant la métacommunicaiton qui sert à la définition du code à l'aide du code lui-même. Par exemple, il est possible (et fréquent) pour quelqu'un de définir l'usage d'un terme particulier dans un texte technique par exemple. Cette situation se retrouve très souvent dans les volumes d'introduction à un nouveau champ d'étude nécessitant la définition de notions de base.

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2.13 Exercices

1) Expliquez comment la linguistique peut être considérée comme faisant partie de la sémiologie, ou l'inverse si vous croyez que c'est l'inverse.

2) Donnez un exemple d'interaction qui représente chacune des fonctions du schéma de la communication de Jakobson. Expliquez en quoi chaque exemple illustre bien chaque fonction.

3) Quelle est la principale utilité du schéma de Jakobson? Expliquez et donnez deux exemples.

4) Quelle est la principale critique que l'on peut faire du schéma de Jakobson? Expliquez et donnez deux exemple.

5) Expliquez de quoi est composé le signe linguistique et donnez trois exemples.

6) Croyez-vous qu'il soit possible, hypothétiquement, d'utiliser le mot "pamo" pour remplacer le mot "chat"? Expliquez.

7) Comment expliquez-vous que la même réalité puisse avoir deux mots complètement différents dans deux dialectes d'une même langue? Par exemple, les mots « ferry » et « traversier » en français européen et canadien respectivement qui dénomment « le bateau qui permet d'aller d'une rive à l'autre d'un lac ou d'un fleuve. » Selon vous, est-ce que c'est un problème? (pensez en termes de signe linguistique)

8) Lorsque vous marchez dans le sable, vous remarquez des traces de pas. Est-ce qu'elles représentent un signe, un indice ou un icone? Expliquez.

9) Résumez les principales différences entre la communication animale et humaine. Soyez précis, clairs et concis.

10) Imaginez une question qui, selon vous, ferait une très bonne question d'examen résumant le matériel vu en classe.

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© Christian Guilbault, Université Simon Fraser
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