Chung Kee (Gee), alias John Kee, fut le premier Chinois à s’établir à Edmonton. Le Edmonton Bulletin nous raconte que ce dernier y arriva par diligence depuis Calgary vers la fin mai 1890 et y établit une blanchisserie: Chung’s Laundry. Il y avait, à deux pas de la blanchisserie Chung, les bureaux du Edmonton Bulletin qui à l’époque avait un éditeur dénommé Frank Oliver qui soutenait que l’Alberta pourrait bien se passer des Juifs, des Mormons et des Chinois. Oliver, ne réussira pas, faute de soutien de la population albertaine, à faire adopter un projet de loi visant à restreindre les droits des immigrants de l’Est-asiatique. En Alberta, les propriétaires chinois pouvaient voter aux élections municipales, provinciales et fédérales. En 1913, le juge Beck de la Cour du Banc de la Reine prononça que la taxe d’entrée du gouvernement fédéral, qui empêchait les Chinois de faire venir leurs épouses au Canada, avait un effet néfaste sur cette communauté en les poussant vers le jeu illégal, l’opium et la prostitution. Cette attitude sympathique à l’égard des chinois fut également reflétée dans les jugements de magistrats qui annulaient fréquemment les chefs d’accusation portés contre les immigrants Chinois ou ne leur imposaient qu’une amende minimale.
En 1899, il n’y avait que treize hommes chinois à Edmonton, un restaurant et deux blanchisseries. Il y avait environ une demidouzaine de chinois de l’autre côté la rivière à Strathcona. Durant cette première décennie, les résidents chinois étaient si peu nombreux et si dispersés qu’ils n’eurent guère besoin d’un point central pour leurs activités socio-économiques. Un petit Quartier chinois finit tranquillement par émerger au centre-ville d’Edmonton dans les années 1900 après que quelques marchands chinois établissent leurs commerces, à l’intersection de l’avenue Namayo (aujourd’hui la 97e rue) et de la rue Rice (avenue 101A), afin de répondre aux besoins d’une communauté chinoise croissante.
Selon le recensement national, la population chinoise à Edmonton est passée en 1911 de 154 chinois (150 hommes, 4 femmes) à 518 chinois (501 hommes, 17 femmes) en 1921. En 1911, le Quartier chinois occupait une superficie d’environ trois pâtés de maisons délimitée par l’avenue Jasper, l’avenue Elizabeth, la rue Fraser et la rue Namayo. En 1921, le Quartier chinois s’était étendu vers l’est à partir de la 98e rue (ancienne rue Fraser) jusqu’à la 95e rue (ancienne rue Kinistino). Ses quelque 500 habitants ne représentaient à cette époque qu’un pour cent de la population de la ville. En l’absence de structure familiale et de services communautaires, beaucoup d’hommes s’adonnaient à l’opium, aux jeux de hasard et à la prostitution pour alléger leur solitude. Des méthodistes et des missionnaires presbytériens cherchèrent à aider spirituellement ces nouveaux arrivants en les invitant à pratiquer le culte et en leur offrant des cours d’anglais. En outre, les associations de clans fournissaient des services essentiels à leurs membres célibataires en leur organisant des activités sociales pour le Nouvel An chinois et les autres festivals. La communauté chinoise de l’époque était surtout composée d’individus du nom de famille Mah, Wong et Gee, donnant naissance à l’association clanique Mah en 1913, la société Wong en 1917, et l’association Gee en 1920. Un club d’art dramatique chinois vit le jour en 1919. En 1911, Edmonton sollicitait des idées en vue de célébrer le couronnement du roi George V. La communauté chinoise suggéra la construction d’une maison de convalescence. L’idée ne fut pas retenue, mais on leur demanda néanmoins de fabriquer un char de carnaval pour la parade honorant le roi.